Critique : Ma vie de courgette

024460-jpg-r_1920_1080-f_jpg-q_x-xxyxxDe Claude Barras avec les voix de Gaspard Schlatter, Sixtine Murat et Paulin Jaccoud

La note des Cinévores : 3étoiles

Au commencement était Autobiographie d’une courgette, un roman sensible de Gilles Paris, paru il y a quinze ans chez Plon. Après une relecture télévisée de Luc Béraud en 2007, rebaptisée C’est mieux la vie quand on est grand, voilà que le septième art cède à son tour aux sirènes de ce récit émouvant axé sur le quotidien d’un groupe d’orphelins. Leurs prénoms ? Simon, Ahmed, Jujube, Alice et Béatrice, des bouts de choux aux (grands) yeux aussi accablés que ceux des personnages de La triste fin du petit Enfant Huître de Tim Burton. Parmi eux, notre héros : un nouveau venu prénommé Courgette  (gare à celui qui l’appellera par son véritable prénom, Icare !). L’attendrissant bonhomme débarque à l’orphelinat avec deux objets pour seul bagage : une canette de bière vide, symbole de l’alcoolisme violent de sa mère, morte accidentellement en tentant de le frapper une énième fois ; et le cerf-volant qu’il déployait depuis la fenêtre de son grenier-refuge et qui swinguait dans le vent en évoquant le signe amical d’un père absent. Pensant être seul au monde, ce garçonnet au sobriquet de cucurbitacée va alors tenter d’abolir son chagrin et de trouver auprès des autres bambins, également fragilisés par des drames intimes, la force de surmonter les méchancetés que trimbale la vie.

La très bonne nouvelle, c’est que Ma vie de  Courgette ne s’embarrasse d’aucune digression ou explication infantilisante pour délivrer son récit. Au contraire, le scénario de Céline Sciamma et la mise en scène inspirée de Claude Barras se rencontrent au carrefour d’une sincérité brute, essentielle, qui trouve son écrin dans un subtil sens de la concision et de l’épure. Ici, en 66 petites minutes, ces enfants en perdition nous en apprennent davantage, sur nous-même et le monde qui nous entoure, que n’importe quel autre garnement animé. Mieux : avec leur mimétisme, leur douleur lovée dans les gestes les plus anodins, leur résilience, leur sourire et leur combat pour le vivre-ensemble, ils deviennent, n’en déplaise à cette pâte à modeler avec laquelle ils ont été conçus, des êtres de chair et de sang. Des combattants faisant de la camaraderie et de l’empathie des armes de construction massive pour que notre Terre soit un endroit plus doux, plus cohérent, plus apaisant. Cette leçon poétique s’accompagne, en creux, d’un hommage émouvant à tous ces enfants maltraités qui souffrent en silence.

Mehdi Omaïs
(critique publiée pour le site LCI)

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