Critique : Un illustre inconnu

De Matthieu Delaporte avec Mathieu Kassovitz, Marie-Josée Croze et Eric Caravaca

La note des Cinévores : 2etoiles

Il faut croire que l’année 2014 sourit à Mathieu Kassovitz. Après une solide prestation dans le très inégal Une vie sauvage, l’intéressé affiche une forme olympienne dans Un illustre inconnu. Visage complètement fermé, regard clinique qu’on ne lui connaissait pas, l’acteur et réalisateur se glisse avec aplomb dans la peau d’un agent immobilier aussi discret qu’une ombre spectrale. Un monsieur tout le monde, isolé, anxiogène, qui vit par obligation, par défaut, lassé par l’existence et son insignifiance. Avec une économie de gestes, notre Kasso national parvient à rendre compte du trouble et du malaise étouffant son personnage. Cet être insaisissable qui observe autrui, se transforme en lui et chaparde des pans entiers de son existence. Il rappelle d’ailleurs, sans la force qui va avec, Oscar, le héros du sublime Holy Motors. Bâti à la façon d’un puzzle schizophrénique, Un illustre inconnu – saluons la qualité du titre – est un long métrage retors et difficile à encaisser. Peut-être trop, parfois. Au lieu de prendre le spectateur par la main, cette entreprise artistique le bouscule et le plonge au cœur de ses préoccupations identitaires. Parabole sur notre société en mal de repères, le scénario nous interroge en effet sur le déséquilibre qu’il peut y avoir entre ce que l’on est intérieurement et l’image extérieure que l’on renvoie, consciemment ou non. On y lit en creux la question suivante : l’herbe est-elle plus verte sous la peau d’un autre ? Il en fallait de la souplesse pour réaliser le grand-écart entrepris par le metteur en scène Mathieu Delaporte. Deux ans après sa comédie Le prénom, co-dirigée avec Alexandre de La Patellière (co-scénariste d’Un illustre inconnu, ndlr), voilà qu’il s’essaye habilement au film noir. Soignant son cadre et sa direction d’acteur, le cinéaste rend digeste cette épopée psychique et kafkaïenne. Sa méticulosité nous permet d’entreprendre ce trip singulier à la condition sine qua non d’être disposé à le vivre. Le cas échéant, la migraine peut le disputer avec l’agacement.

Mehdi Omaïs