Critique : Men, women & children

De Jason Reitman avec Jennifer Garner, Adam Sandler et Ansel Elgort

La note des Cinévores : 3étoiles

Men, Women & Children commence comme un conte, avec une voix off de circonstance qui pose l’intrigue sur la base d’une double métaphore. Le programme Voyager vient d’être lancé et, la sonde spatiale tourne autour de notre planète. Son mouvement traduit à la fois le recul que les hommes ne savent plus prendre et l’introspection qu’ils évitent ; à l’instar de tous les personnages du sixième long métrage du cinéaste canadien Jason Reitman. Des êtres solitairement interconnectés nés de l’imaginaire de l’écrivain Chad Kultgen, qui n’a pas son pareil quand il est question de décortiquer la sexualité de ses concitoyens. Au-delà de notre addiction incontrôlée pour les écrans (ordinateurs, tablettes, smarphones…), ce drame choral explore de manière intime les tourments qui gangrènent tous les âges, celui des parents frustrés dans leur couple (Adam Sandler et Rosemarie DeWitt) comme celui des ados à côté de leurs baskets (Ansel Elgort qui confirme son talent éclatant après Nos étoiles contraires). En cela, le résultat évoque – toutes proportions (très) gardées – des œuvres comme American Beauty ou Magnolia dans ses thématiques. Ici aussi, les personnages se croisent, pansent leur douleur ou se détruisent. Si l’évocation de ces destins accuse quelques longueurs manifestes, il n’empêche qu’ils dessinent la carte sociétale d’une Amérique et d’un monde de plus en plus retranchés, incapables de regarder plus loin que le bout de leur nez. A défaut de signer un grand film, Jason Reitman, véritable poil à gratter de la scène indépendante nord-américaine, a cuisiné un bonbon particulièrement poivré qui rejoint la saveur tout aussi corsée de ses précédentes œuvres, Juno et Young Adult en tête. Des comédies dramatiques où le rire se fait toujours très jaune, pour les hommes, les femmes et les enfants.

Mehdi Omaïs