Le mot de Fab’ – Les Visiteurs, Batman v Superman, Aladin… : presse citron !

superDans une crise légèrement égotique mais intéressante sur le fond, les journalistes de cinéma se sont élevés pour dénoncer le boycott de la presse sur les deux gros morceaux de ces dernières semaines : Les Visiteurs – La Révolution et Batman v Superman : l’aube de la justice. Boycott suivi par une volée de bois vert à l’adresse des œuvres susnommées, à coup de critiques vachardes. Pas tant une position revancharde qu’un simple rappel à la réalité des choses. Ces deux longs métrages sont simplement ratés. Pas des navets non plus. Pas de quoi fouetter un chat, en fait. Mais, comme souvent, l’essentiel est ailleurs.

Warner et Gaumont ne sont pas des perdreaux de l’année. S’ils n’ont pas voulu montrer leurs films aux journalistes avant leurs sorties, c’est qu’ils savaient bien que les vacheries allaient pleuvoir. Le sadomasochisme a ses limites ! Pas le goût du buzz, en revanche. Interdire la presse de voir un film, c’est la voir automatiquement monter sur ses grands chevaux et crier à la censure. Donc faire du buzz. C’est comme le cholestérol en fait : il n’y a pas de bon ou de mauvais buzz, tant qu’il y a du buzz. On avait déjà connu cela l’année dernière avec Les Profs 2 et Les nouvelles aventures d’Aladin.

Mais à y regarder de plus près, cette pratique (de plus en plus récurrente) semble avoir désormais atteint ses limites. Pour trois raisons essentielles que les distributeurs n’ont pas forcément encore tous intégrées dans leurs logiciels marketing. La critique ne fait plus la carrière des films depuis déjà longtemps mais elle les accompagne, elle peut renforcer l’envie. Les réseaux sociaux, intronisés depuis quelques années comme nouvel eldorado du marketing cinéma, n’ont pas plus d’influence sur les entrées. Et le public, seul décideur au final, est beaucoup moins influençable qu’on ne le croit. On ne lui fera en tout cas jamais prendre les vessies pour des lanternes. Et dans le cas des clowns spatio-temporels ou du duo de superhéros testosteronés, le bilan n’est pas à la hauteur des attentes. Avec 1,7 millions d’entrées en deux semaines, Les Visiteurs – La Révolution pourrait ne pas atteindre en fin de course le score des Tuche 2 (montré à la presse, lui).

Même chose pour Batman v Superman : l’aube de la justice qui ne pourra jamais titiller avec ses 2,3 millions de clients la performance de Deadpool (montré à la presse, lui aussi). Que reste-t-il aujourd’hui dans l’esprit du public de la promo des Visiteurs – La Révolution ? Des journalistes qui hurlent, une parodie belge hilarante et un scepticisme sur le film en lui-même. Contrôler la communication ne fera jamais avaler une pilule qui a du mal à passer. Que reste-t-il aussi de Star Wars, Episode 7 – Le réveil de la force ? Une projection de presse surveillée mais sur-médiatisée, des critiques emballés et 10,5 millions d’entrées.

La semaine dernière, lors de la conférence de presse du Festival de Cannes, ma consœur Pascale Deschamps de France 2 a soulevé la question des films sélectionnés qui ne sont pas montrés aux journalistes avant le jour J cannois. D’où des conditions de préparation exécrables… Aucun moyen de travailler en effet certains films en amont, de préparer ses interviews, de convaincre ses rédacteurs en chef de la véracité d’un sujet ect… Les journalistes de cinéma ne voient pas les films en amont pour la gloriole de “l’avoir vu”. Mais pour travailler dans des conditions normales. C’est un peu les critiques littéraires qui liraient les candidats au Goncourt le jour-même de l’annonce des résultats chez Drouant. CQFD…

Fabrice Leclerc

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