Critique : Vie sauvage

De Cédric Kahn avec Mathieu Kassovitz, Céline Sallette et David Gastou

La note des Cinévores : 1étoile

Marginal invétéré remettant (violemment) en question l’ordre établi, Philippe Fournier (Mathieu Kassovitz) dépasse un beau jour la ligne rouge en ne rendant pas ses deux jeunes fils à sa femme (Céline Sallette) qui en a pourtant obtenu la garde. Ce dernier préfère qu’ils goûtent aux plaisirs offerts par Dame Nature, loin d’une civilisation qui transforme les hommes en moutons et d’un capitalisme carnassier qui avilit à profusion. Selon lui, rien ne remplace une balade dans les bois, une nuit la tête dans les étoiles, le parfum des aliments bio, sans pesticide, et tutti quanti. Vous voyez le genre ? Une sorte d’individu hybride partageant le génome de Robinson Crusoé et de Christopher McCandless, le héros d’Into the Wild. Vie sauvage, le nouveau long métrage du cinéaste Cédric Kahn, est en réalité inspiré d’un véritable fait divers. Le personnage de Philippe Fournier prend racine chez Xavier Fortin, condamné en 2009 à deux ans de prison pour avoir privé son épouse de ses enfants pendant une trop longue période. Sur la base de ce récit édifiant, taillé pour le cinéma, Kahn livre une œuvre mollassonne et paresseuse, à des années-lumière de réalisations maîtrisées comme Feux Rouges ou Roberto Succo. S’il fait le choix judicieux de ne pas se poser en juge ou en donneur de leçons, l’intéressé peine à conférer à ses personnages, notamment aux gosses, mal dirigés, la profondeur qu’ils méritaient. Difficile dès lors de les suivre dans leur trip naturaliste et dans leur vie en marge quand l’empathie ne se fait jamais. Pire, au lieu de nous fasciner et nous interroger, ce mode d’existence bohème, célébré par un papa mi cool mi rigide, agace plus qu’il n’invite à l’évasion. Au lieu d’effectuer des digressions narratives inconséquentes (découverte d’un serpent, contemplation d’un coucher de soleil, danse avec des cerceaux enflammés ect…), Kahn aurait dû creuser davantage le cheminement psychologique d’un homme égoïste devant apprendre que, comme le disait si bien Khalil Gibran : « Vos enfants ne sont pas vos enfants. Ils sont les fils et les filles de l’appel de la Vie à elle-même. Ils viennent à travers vous mais non de vous. Et bien qu’ils soient avec vous, ils ne vous appartiennent pas. » Notez toutefois la très belle performance de Mathieu Kassovitz, parfait dans la peau du pater obstiné.

Mehdi Omaïs