Critique : La légende de Manolo

De Jorge R. Gutierrez avec les voix de Diego Luna, Zoe Saldana et Channing Tatum

La note des Cinévores : 4étoiles

La patience et l’abnégation payent. La preuve irréfutable avec Guillermo del Toro, qui a attendu 14 ans pour lancer la production de La légende de Manolo. Bien plus qu’un rêve de (grand) gosse, ce projet ambitieux se révélait idéal pour rendre un hommage chatoyant et pittoresque au Mexique, sa bienaimée terre natale. Réalisé avec une redoutable maestria par Jorge R. Gutierrez, le papa de la série culte El Tigre, ce long métrage d’animation situe en effet son intrigue dans le charmant village de San Angel, où des centaines d’habitants fêtent jovialement le Jour des Morts. Au milieu des cierges, des offrandes et des fleurs jonchant les tombes, se baladent les trois formidables héros du récit. Il y a d’un côté Manolo, un redoutable joueur de guitare au cœur pur qui rejette le sang de toréador circulant dans ses veines et de l’autre Joaquin, son meilleur ami viril qui a hérité d’un patrimoine génétique de guerroyeur et d’une assurance à toute épreuve auprès de la gent féminine. Au milieu se niche le charme épicé de Maria, bout de femme qui tord le cou à l’archaïsme, au machisme, au point de faire perdre la boule des deux bonhommes. Qui gagnera le cœur de la belle ? C’est la question vertigineuse qui passionne la terre entière, jusqu’aux cieux, où les deux excentriques gardiens de l’au-delà lancent un incroyable pari quant à l’issue du triangle amoureux. Renvoyant très clairement aux puissants émois d’Orphée et Eurydice, ce récit mené à l’allure d’un taureau énervé de Pampelune évoque les voyages à travers les mondes pour sauver l’amour. Des expéditions qui, grâce à une direction artistique ne laissant rien au hasard, rivalisent de beauté et d’ingéniosité. Avec une virtuosité formelle peu commune, même dans les productions Pixar bénéficiant de budgets plus conséquents, les univers des morts et des vivants se chevauchent dans une explosion de couleurs, de musiques – de nombreux standards sont délicieusement repris – et d’émotions (les larmes ne sont jamais loin). Célébration de la vie, hymne aux morts d’hier et de demain, meilleur ami du Carpe Diem de notre cher Horace, La légende de Manolo enchantera les adultes par l’universalité de ses propos autant que les plus petits, qui s’accrocheront volontiers à ses gags bien sentis et ses personnages secondaires, parmi lesquels un cochon rose qui bêle. Un bonheur transgénérationnel instantané qui nous rappelle que la mort fait partie de la vie et qu’il est primordial d’écrire sa propre histoire au mieux de ses possibilités.

Mehdi Omaïs

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